La discipline instrumentale dans l’enseignement artistique : Une notion intégrée au statut

obligations de service dans l'enseignement artistique La discipline instrumentale dans l’enseignement artistique
Il est fréquent, au sein des écoles de musique et notamment dans les structures de petites tailles, de constater une certaine « porosité » entre les disciplines enseignées. Ainsi : tel enseignant d’instrument assurera des cours de formation musicale afin de compléter son emploi du temps. Dans d’autres cas, telle collectivité demandera à un enseignant d’effectuer une mission d’étude plus ou moins fictive à défaut de lui confier une classe dans la discipline instrumentale qui est la sienne.

La Jurisprudence administrative rappelle, à intervalles réguliers, que la notion de discipline doit être prise en compte dans l’affectation qui est confié aux fonctionnaires du cadre d’emploi des assistants territoriaux d’enseignement artistique ou des professeurs d’enseignement artistique.

En effet, l’article 3 du décret du 29 mars 2012, portant statut particulier des assistants territoriaux d’enseignement artistique, introduit cette notion de discipline : …

 « 1° Musique (…) Les spécialités musique et danse comprennent différentes disciplines (…) »

Aux termes de l’article 2 du décret du 3 septembre 2012 :

« L’ouverture des concours [de recrutement des assistants territoriaux d’enseignement artistique] est arrêtée par le président du centre de gestion organisateur, par spécialité, et, le cas échéant, par discipline »

Après avoir rappelé ces dispositions, un Jugement du tribunal administratif de LYON en tirait les conclusions suivantes :

« Ainsi, les candidats de la spécialité « musique » ont le choix de présenter une discipline instrumentale ou de formation musicale ;

…d’autre part, et sans préjudice de la participation éventuelle d’associations, de bénévoles ou encore d’agents contractuels, sont seuls chargés d’intervenir dans le cadre du temps périscolaire, les adjoints territoriaux d’animation ainsi que les animateurs territoriaux, conformément aux dispositions statutaires qui leur sont applicables ;

Considérant, enfin, que sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, et à titre exclusif, une affectation correspondant à son grade ;

Considérant que l’animation d’activités périscolaires ne constitue pas une activité d’enseignement d’une discipline artistique au sein des établissements au sens du premier alinéa du III de l’article 3 du décret du 29 mars 2012 ;

En outre, une telle intervention ayant lieu en dehors du temps scolaire, elle ne peut davantage être assimilée aux missions prévues à l’article L. 911-6 du code de l’éducation ;

Par ailleurs, il ne pouvait être demandé à M. R.. d’accomplir des heures de formation musicale, dès lors qu’ayant été titularisé dans la discipline du violon, il n’a pas vocation à enseigner d’autres spécialités ou d’autres disciplines ;

Ainsi, en refusant de confier à M. R., à titre exclusif, des missions correspondant aux prérogatives qu’il tient de son statut, le maire d’Andrézieux-Bouthéon a méconnu les dispositions précitées de l’article 3 du décret du 29 mars 2012 ;

  Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la décision implicite par laquelle le maire d’Andrézieux-Bouthéon a refusé de confier à M. R. exclusivement des missions conformes à son statut d’assistant territorial principal d’enseignement artistique de 1ère classe doit être annulée ; »

TA LYON N° 1606289 17 janvier 2018 R… c/ ANDREZIEUX BOUTHEON

Il faut également souligner qu’il n’est pas rare de constater une certaine confusion avec le statut des animateurs territoriaux tant il est tentant pour certaines collectivités de compléter un emploi du temps d’un enseignant artistique en lui demandant d’occuper des enfants du centre de loisir ou dans un cadre périscolaire en leur proposant une animation dans le domaine musical ou des arts plastiques.

Il n’est pas toujours aisé d’expliquer au Juge Administratif le fossé qui sépare l’enseignement artistique et l’animation…

Néanmoins, dans des termes tout à fait similaires à ceux du jugement précité du TA de LYON, le tribunal administratif de LILLES, rappelait également, s’agissant d’un enseignant en art plastique qui se voyait confier une mission d’animation en centre de loisir :

« 4. L’animation dans le cadre de centres de loisirs ou d’activités périscolaires ne constitue pas une activité d’enseignement d’une discipline artistique au sein des établissements au sens du III de l’article 3 du décret du 29 mars 2012, mais une activité d’animation relevant du cadre d’emploi des animateurs territoriaux. Or, en l’espèce, la commune de Comines ne justifie pas que les missions qu’elle entendait confier au requérant ne relevaient pas, ainsi que M. A… le soutient, d’activités d’animation. En outre, une telle intervention ayant lieu en dehors du temps scolaire, elle ne peut davantage être assimilée aux missions prévues à l’article L. 911-6 du code de l’éducation. Ainsi, en refusant de confier à M. A., à titre exclusif, des missions relevant de son cadre d’emploi, le maire de Comines a méconnu les dispositions précitées de l’article 3 du décret du 29 mars 2012.

5. Il résulte de ce qui précède que la décision implicite par laquelle le maire de Comines a refusé de confier à M. A. exclusivement des missions conformes à son statut d’assistant territorial principal d’enseignement artistique de 2ème classe doit être annulée. »

TA LILLES N° 1607866 11 juin 2019 A… c/ Cne de COMINES

De la même façon, le Juge administratif sanctionne un arrêté plaçant un enseignant de la ville de PARIS auprès de la Direction des affaires culturelles dans un emploi dépourvu de tâche d’enseignement.

6. Il résulte de la combinaison des dispositions de la délibération de la Ville de Paris du 13 février 1995 et du décret du 2 septembre 1991 que les professeurs des conservatoires de Paris doivent être affectés soit à des fonctions de direction pédagogique et administrative des conservatoires, soit à des fonctions d’enseignement, pour un volume de cours hebdomadaire de seize heures. En l’espèce, il est constant que M. B a été privé, par la décision attaquée, de toute fonction d’enseignement, et la Ville de Paris n’établit, ni même n’allègue, que la mission d’étude qui lui a été confiée se rattacherait à des fonctions de direction pédagogique et administrative des conservatoires, auxquelles il aurait été loisible à la Ville de Paris de cantonner M. B dans l’attente du jugement au fond, la décision attaquée ayant précisément pour objet d’affecter M. B à la direction des affaires culturelles et non au sein d’un conservatoire, dans le cadre d’un détachement d’office dépourvu de base légale. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions combinées de la délibération de la Ville de Paris du 13 février 1995 et du décret du 2 septembre 1991 doit être accueilli.

TA PARIS 2e sect 2e ch 25 sept. 2023 n° 2305884

Dans une affaire dans laquelle un assistant d’enseignement artistique enseignant la clarinette, avait dû quitter les fonctions de direction qu’il occupait précédemment (de manière irrégulière) et ne s’était vu confier aucune mission d’enseignement pendant une longue période, la Cour Administrative d’appel a estimé que la collectivité avait commis une faute ouvrant droit à indemnisation en s’abstenant pendant un délai qu’elle juge anormalement long de confier à ce dernier une mission conforme à son statut.


En refusant de confier à M. B, à compter de la rentrée 2018 et jusqu’au 24 juin 2020, date à laquelle l’intéressé a sollicité son détachement, un nombre d’élèves correspondant aux heures d’enseignement de la clarinette que son statut lui donnait vocation à dispenser au sein du conservatoire de musique, la commune de CHATEAUTHIERRY a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

CAA Douai, 3e  ch. – formation à 3, 2 févr. 2023, n° 22DA00761.

En pratique, pour permettre que la notion de discipline puisse avoir toute son effectivité, encore faut-il souvent insister, lors de la nomination sur le poste, pour que la discipline enseignée figure expressément sur l’arrêté de nomination, ainsi que dans la délibération créant l’emploi.

Une telle précaution peut éviter quelques déconvenues.

Lorsque l’arrêté ou la délibération ne mentionnent pas la discipline, il faut pouvoir justifier de ce que le recrutement a été réalisé sur la base d’une inscription sur liste d’aptitude de la discipline enseignée.

Il est également nécessaire de rappeler, s’agissant du cas des professeurs faisant fonction de Direction, que leur situation est régie par l’article 2 du Décret n° 91-857 du 2 septembre 1991 :

«… Ils assurent la direction pédagogique et administrative des conservatoires à rayonnement communal ou intercommunal et, par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa, des établissements d’enseignement de la musique, de la danse et de l’art dramatique non classés et des écoles d’arts plastiques qui ne sont pas habilitées à dispenser tout ou partie de l’enseignement conduisant à un diplôme d’Etat ou à un diplôme agréé par l’Etat… »

Il en résulte, d’une part, que, contrairement à une pratique assez répandue, les agents nommés sur les grades d’assistants territoriaux et assistants principaux de 1ère et 2ème classe d’enseignement artistique – cat B – ne peuvent, en aucun cas, se voir confier des fonctions de direction.

D’autre part, aucune réserve n’étant prévue par les textes, ils demeurent assujettis à une obligation de service hebdomadaire de 16 heures.

C’est ce que rappelait un arrêt de la Cour Administrative d’Appel de LYON dans un arrêt du 18 décembre 2018.

3. La durée de travail des fonctionnaires territoriaux s’apprécie, en principe, par référence à la durée de trente-cinq heures par semaine prévue par les dispositions du dernier alinéa de l’article 11 du décret susvisé du 12 juillet 2001 pris pour l’application de l’article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. Il n’en va cependant pas de même s’agissant des emplois dans lesquels les personnels sont soumis, en vertu du statut particulier de leur cadre d’emplois, à des régimes d’obligations de service.

4. Aux termes de l’article 2 du décret susvisé du 2 septembre 1991 : « Les professeurs d’enseignement artistique assurent un enseignement hebdomadaire de seize heures. / Les professeurs d’enseignement artistique sont placés, pour l’exercice de leurs fonctions, sous l’autorité du directeur de l’établissement d’enseignement artistique. / Ils assurent la direction pédagogique et administrative des conservatoires à rayonnement communal ou intercommunal (…) ». C’est à bon droit que les premiers juges ont retenu que ces dispositions n’opèrent pas de distinction entre les activités pédagogiques et les activités de direction susceptibles d’être confiées aux professeurs territoriaux d’enseignement artistique qui, comme M. A…, exercent leurs fonctions au sein de conservatoires à rayonnement communal ou intercommunal, pour en conclure que la décision portant ses obligations hebdomadaires de service à 26 heures était illégale.

CAA Lyon, 3e ch. – formation à 3, 18 déc. 2018, n° 16LY02877

Il est à noter cependant que, dans un jugement plus récent, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de paiement d’heures supplémentaires d’un professeur faisant fonction de direction, dès lors que celui-ci n’effectuait que des tâches de Direction, à l’exclusion de missions d’enseignement.

Il est vrai que ce dernier avait articulé sa demande sur la base du décret du 6 octobre 1950, spécifique à la rémunération des heures supplémentaires d’enseignement.

« Si M. A soutient qu’il a participé de manière très occasionnelle à des activités pédagogiques, il n’établit pas avoir assuré d’enseignement artistique. Ainsi, dès lors que M. A a été recruté pour exercer les seules fonctions de directeur du conservatoire, il ne peut utilement invoquer les dispositions limitant son obligation hebdomadaire de service à 16 heures d’enseignement pour en déduire qu’il aurait effectué, au-delà de cette durée, des heures supplémentaires non rémunérées. En tout état de cause, M. A ne pouvait bénéficier du régime d’indemnisation des heures supplémentaires instauré par les dispositions combinées de l’article 6-3 du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 et des articles 1er et 2 du décret n°50-1253 du 6 octobre 1950, qui visent à rémunérer les seules heures supplémentaires d’enseignement. M. A ayant été recruté et employé pour exercer les fonctions de directeur du conservatoire, les règles relatives à son temps de travail relevaient de l’article 7-1 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 et du décret n° 2000-815 du 25 août 2000, dont il n’est pas allégué qu’elles auraient été, en l’espèce, méconnues. Il résulte de tout ce qui précède que M. A n’est pas fondé à demander le versement des heures supplémentaires qu’il estime avoir effectuées depuis 2005. »

TA Grenoble, 6e ch., 25 oct. 2022, n° 2004767.

Dans le même sens également : TA Amiens, 7 mai 2015, n° 1404198.