La prise en compte des trajets dans le temps de travail a été tranchée par la Cour Administrative de MARSEILLE en 2013, dont la solution paraît toujours d’actualité. Les discussions récurrentes opposant agents (notamment DUMISTES) et collectivités sur ce point nous amènent à rappeler le commentaire que nous avions publié à l’époque :
Un arrêt rendu le 7 mai 2013 par la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE vient, fort à propos, apporter plusieurs précisions sur les modalités d’organisation et de rémunération du temps de travail, notamment dans les structures qui dispensent un enseignement sur plusieurs sites.
Les questions posées à la cour portaient sur :
– La rémunération du temps de trajets d’un lieu de travail à un autre ;
– La prise en compte du temps de pause obligatoire ;
– la mise en cause par le fonctionnaire d’une mesure de réorganisation du service lui imposant des trajets supplémentaires ;
La requérante était une assistante territoriale d’enseignement artistique employée, en qualité de titulaire par le syndicat intercommunal pour la gestion du personnel des écoles de musique des Alpilles.
Chargée de l’enseignement du violoncelle dans le cadre d’un emploi à temps complet de 20 heures hebdomadaire, elle devait dispenser un enseignement sur 4 sites différents : Arles, Tarascon, Saint Remy de Provence et Saint Martin de Crau.
Les frais et les temps de déplacement hebdomadaires étaient donc particulièrement importants.
Il s’agit d’une situation fréquente pour les enseignants recrutés par des structures intercommunale ou départementales qui doivent faire de nombreux kilomètres pour se rendre d’un site à l’autre; cela pour effectuer un nombre d’heures relativement faible, particulièrement lorsqu’ils enseignent un instrument « rare », ou, en tout cas, autre que le piano, la guitare ou la formation musicale…
C’est pourquoi l’enseignante déposa une requête auprès du tribunal administratif de Marseille.
Celui-ci rejeta l’ensemble de ses demandes.
L’enseignante fît appel.
Bien lui en pris car la Cour prêta une oreille plus attentive à ses arguments:
-1- rémunération du temps de trajet d’un site à l’autre :
L’enseignante demandait une rémunération au titre du temps consacré aux déplacements effectués de 2005 à 2008 ; pour ce faire, elle fournissait ses emplois du temps.
Il en ressortait que l’intéressée effectuait chaque semaine, dans un premier temps, un temps de trajet d’un peu moins d’une heure (hors trajets depuis son domicile) sur trois jours, puis, à la suite d’une réorganisation du service lui imposant une répartition des cours sur 4 jours, devait effectuer un temps de trajet de 2 heures par semaine.
Pour répondre favorablement à sa demande, la Cour rappelle qu’aux termes de l’article 2 du décret du 2 septembre 1991, les assistants d’enseignement artistiques doivent assurer un service hebdomadaire de 20 heures.
Elle rappelle également qu’à l’inverse des dispositions du décret du 12 juillet 2001, touchant à la réduction et à l’annualisation du temps de travail, celles définissant le temps de travail effectif sont bien applicables aux fonctionnaires de l’enseignement artistique.
En l’occurrence, elles renvoient sur ce point précis à l’article 2 du décret du 25 août 2000, selon lequel : « la durée de travail effectif s’entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ».
La cour en déduit que « le temps de trajet d’un agent pour se rendre de son premier à un autre lieu de travail doit être regardé comme du temps de travail effectif dès lors que, durant ce laps de temps, l’agent est à la disposition de son employeur et ne peut vaquer librement à ses occupations personnelles. »
Elle indemnise l’intéressée en multipliant le nombre d’heures de trajet par son taux horaire habituel.
La cour semble cependant considérer que les dispositions du décret du 6 septembre 1991 relatives à la rémunération des heures supplémentaires auraient eu vocation à s’appliquer mais semble ne pas retenir cette solution en l’absence de délibération correspondante de l’employeur.
-2- rémunération du temps de pause :
La Cour rappelle qu’en application de l’article 3 du décret du 25 août 2000 « Aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures sans que les agents bénéficient d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes. »
Il était acquis que, compte tenu de la comptabilisation du temps de trajet en temps de travail, l’intéressée n’avait pas toujours bénéficié d’un temps de pause réglementaire.
Elle demandait une rémunération correspondant au temps de pause dont elle avait été privée.
La Cour rejette cette demande au motif que le temps de pause, durant lequel l’agent n’est pas à la disposition de son employeur et peut vaquer librement à ses occupation personnelles, ne constitue pas du temps de travail effectif donnant droit à rémunération.
Peut-être aurait-il mieux valu formuler différemment la demande en sollicitant la réparation de la faute de l’administration en raison du non-respect du temps de pause obligatoire ?
-3- Sur la mise en cause par le fonctionnaire d’une mesure de réorganisation du service lui imposant des trajets supplémentaires ;
Ainsi que cela a été indiqué plus haut, l’enseignante s’était vu, au cours de la période litigieuse, assujettie à une réorganisation de son temps de travail hebdomadaire dont il était résulté, notamment, qu’elle l’astreignait à un temps de trajet plus important et un volume horaire réparti sur 4 jours au lieu de 3 auparavant.
Interrogée sur ce point également la Cour note qu’il y eu une « validation du médecin du travail » et qu’en outre, cette réorganisation n’excède en rien l’exercice normal du pouvoir hiérarchique.
On rappellera sur ce point que l’administration dispose d’une large marge de manœuvre pour procéder à l’organisation de ses services, le juge se contentant de vérifier l’absence de détournement de pouvoir.
On ignore ici si le Comité Technique Paritaire a été saisi pour avis comme cela aurait dû être le cas, s’agissant d’une mesure d’organisation. (article 33 de la Loi du 26 janvier 1984.
Enfin, il convient de préciser que les frais de déplacement nécessité par le service doivent faire l’objet d’un remboursement à l’agent.
Mais la Cour a estimé sur ce point que l’employeur justifiait avoir fait le nécessaire.